vendredi 22 mai 2009

Les agences de notations : facteur aggravant de crise ?


Les Echos relatent que l'une des trois plus importantes agence de notations au monde - Standard&Poor's - envisagerait de dégrader l'appréciation du Royaume-Uni. Jusqu'à présent la note de ce dernier était AAA - à l'instar de 18 autres Etats : Allemagne, Australie, Autriche, Canada, Danemark, Etats-Unis, Finlande, France, Ile de Man, Liechtenstein, Luxembourg, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Royaume-Uni, Singapour, Suède et Suisse.

Le fait n'est pas nouveau : L'Espagne, la Grève, l'Irlande, la Roumanie, ont déjà vu leur notation baisser depuis le début de la crise. En termes concrets, cela veut dire que l'accès au crédit de ces Etats est plus compliqué que pour les AAA. La raison invoquée par S&P pour justifier cette menace de rétrogradation pour le Royaume-Uni est le poids de l'endettement, notamment suite à la vague de nationalisation partielle des banques RBS et HBOS. A terme, l'agence craint de voir le poids de la dette publique atteindre 100% du PIB en 2013.

Bon. D'accord. En tant qu'agence qui évalue la solvabilité d'acteurs économiques et par conséquent, affecte leur capacité à emprunter, Standard&Poor's pourrait paraître légitime dans son rôle. Après tout, c'est également ce que font Fitch et Moody's. Sauf que peut-être la crise pourrait être l'occasion de s'interroger sur le fonctionnement de ces agences, qui se permettent de noter des Etats sur des critères, pour le moment, où prédominent l'aspect financier sur l'aspect économique.

Le rôle qu'on continue de leur conférer est particulièrement discutable, si l'on se rappelle que ce sont elles qui ont noté la qualité des titres responsables de la crise des "subprimes". Les autorités américaines - à commencer par la Securities and Exchange Commission - avait exiger d'elles qu'elles rendissent des comptes. Et de fait, la nouvelle responsable de "l'AMF américaine" estime en mars 2009 que les règles actuelles sont insuffisantes pour encadrer le métier et la notation des agences.

Tout d'abord, on s'interessera aux modes de rémunération de agences : chaque entité économique (Etat, collectivité territoriale, banque, entreprise...) peut demander à se fait évaluer, ou évaleur ses produits. L'entité rémunère l'agence de notation. Si, bien sûr, il n'y a en théorie aucun rapport entre le niveau de la rémunération de la notation et le résultat de cette dernière, en pratique, il n'est pas dans l'intérêt des agences d'être trop critiques.

Ensuite, on remarquera que les trois agences sont américaines. En dehors du fait que la crise économique provienne de cet Etat, cette situation n'est pas propre à encourager un minimum d'objectivité sur les critères de notation. De fait, cela peut devenir un outil de puissance : la notation du crédit étant détenu par un seul Etat, ce dernier bénéficie d'un large pouvoir d'influence. C'est pour cela que la Russie, la Chine, mais également la France, cherchent à se doter d'agences nationales pour rééquilibrer la situation.

Ensuite, il est peut-être grand temps que les agences changent leur mode de fonctionnement lorsqu'elles sont amenées à noter des Etats: les intérêts de ces derniers ne correspondent pas à ceux d'une entreprise privée. Bien sûr, certaines considérations sont communes aux deux - tel le taux d'endettement - mais les conséquences sont radicalement opposées : alors qu'une entreprise peut voir son accès au crédit restreint, un Etat ne sera jamais en pratique en cessation de paiement - le territoire, la société qui le composent seront toujour là.
De même, il est d'autant plus urgent que les agences revoient leur fonctionnement que S&P a formulé son avis dans le contexte électoral britannique.

De là à considérer que les agences de notations peuvent influer sur la vie politique d'un pays...

Matthieu

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