Vendredi soir (le 13 mars), j'écoutais d'une oreille distraite BFM radio (le Grand Journal/Regard sur l'actu, dont vous pouvez retrouver le podcast ici), lorsqu'il a été (encore) question des paradis fiscaux. Il semble que beaucoup de Français aient quelque peu de mal à accepter que des "paradis fiscaux" existent. Le sujet occupe le devant de la scène politique de manière récurrente depuis les années 2000/2002, avec la publication des différents tomes du rapport d'information parlementaire sur "Délinquance financière et blanchiment des capitaux", réalisé par les députés Montebourg et Peillon.
La crise se propageant dans l'économie réelle dans des proportions aussi gigantesques qu'imprévisibles, le monde de la finance - déjà difficile à convaincre du bien-fondé de jouer la carte de la transparence - se crispe dans une attitude défensive, voire de martyr. Et voilà que, les escroqueries succédant aux scandales financiers, les autorités américaines viennent s'ingérer dans les affaires d'une banque suisse, UBS. Dès lors, toutes les portes semblent ouvertes à la vindicte mondiale, puisque le G20 qui doit se tenir à Londres le 4 avril 2009 s'achemine vers un ordre du jour où figure en bonne place la condamnation des "paradis fiscaux". Madame Merkel et Monsieur Sarkozy sont les fers de lance de ce mouvement, sous couvert de régulation et gouvernance mondiale des flux financiers. Et de source très bien informée, la lutte contre ces "paradis" sera un des axes majeurs de la politique étrangère de la France jusqu'à 2015.
Au risque de jouer l'avocat du diable, je dirais "ne jettons pas le bébé avec l'eau du bain".
Certes, les paradis fiscaux - dont nombre se trouvent en Europe (Gibraltar, Monaco, Andorre, Liechtenstein, Luxembourg...) - abritent des structures créées par les banques - essentiellement européennes - où elles ont évacuées les actifs "toxiques" pour ne pas les faire figurer dans leurs propres livres de comptes. Se posent la question de la liquidation de ces actifs dont, bien sûr, personne ne veut. Evidemment, me dira-t-on, si les paradis fiscaux n'existaient pas, les banques n'auraient pas pu les utiliser pour "tromper" les experts comptables, les contrôleurs financiers, les autorités de régulation... OK.
Certes, les paradis fiscaux sont utiles pour l'évasion fiscale - cf. le cas du Liechtenstein et de l'Allemagne -, les criminels en tout genre, le blanchiment d'argent...
Et la liste de griefs est longue.
Mais attention : je m'étonne qu'il ne soit question que des paradis fiscaux européens. Combien il est étonnant que les Bahamas ne soient jamais mentionnés, ni Hong-Kong d'ailleurs (pourtant enregistré en tant que "Offshore Financial Centers", FMI 2007). Curieux, donc : serait-ce encore les Européens - Union Européenne ou non, telle la Suisse - qui devraient supporter le poids des déboires américains ?
Un des intervenants dans l'émission de BFM pointait justement du doigt que le secret bancaire est un droit fondamental pour tout un chacun - à trois exceptions près -, et que la banque UBS, obéissant aux injonctions des autorités américaines, servait au final les intérêts du fisc outre-atlantique.
Nous n'en parlons que peu en France car les PME ne sont pas encore entrées dans l'imaginaire collectif comme des acteurs majeurs de l'économie mais les paradis fiscaux permettent à ces dernières de se financer rapidement et sans surcoût. Ceci est particulièrement vrai pour les start-up dont celles innovant dans le secteur du développement durable.
Car malgré tous les dipositifs publics nationaux et européens (PCRD, programmes OSEO...), les PME les considèrent comme peu pratiques, peu visibles, trop longs, et parfois trop peu importants. Mais le problème reste le poids administratifs des dossiers à monter.
Bon alors, supprimer ou non, les paradis fiscaux ? Et si le problème ne se situait pas autre part ? Je ne parle pas de l'aspect pénal ou criminel lié aux paradis fiscaux. Ce n'est pas l'objet de ce blog sur la crise.
A mon avis, je pense que le problème se situe au niveau des grandes entreprises et des banques (Lazard a son siège social dans un paradis fiscal). Car après tout, avoir recours à des centres financiers offshore n'est-il pas un signe de désengagement vis-à-vis de la société ? Serait-ce pour payer moins d'impôts ? Mais alors, où est le contrat entre l'entreprise et la société ? l'entreprise et l'Etat ? On l'oublie un peu trop souvent, mais l'impôt est aussi un signe du contrat social qui lie chaque sujet de droit - personnes physiques et morales - dans une communauté. Les entreprises et les individus profitant des paradis fiscaux renieraient-ils leur nationalité ?
La crise se propageant dans l'économie réelle dans des proportions aussi gigantesques qu'imprévisibles, le monde de la finance - déjà difficile à convaincre du bien-fondé de jouer la carte de la transparence - se crispe dans une attitude défensive, voire de martyr. Et voilà que, les escroqueries succédant aux scandales financiers, les autorités américaines viennent s'ingérer dans les affaires d'une banque suisse, UBS. Dès lors, toutes les portes semblent ouvertes à la vindicte mondiale, puisque le G20 qui doit se tenir à Londres le 4 avril 2009 s'achemine vers un ordre du jour où figure en bonne place la condamnation des "paradis fiscaux". Madame Merkel et Monsieur Sarkozy sont les fers de lance de ce mouvement, sous couvert de régulation et gouvernance mondiale des flux financiers. Et de source très bien informée, la lutte contre ces "paradis" sera un des axes majeurs de la politique étrangère de la France jusqu'à 2015.
Au risque de jouer l'avocat du diable, je dirais "ne jettons pas le bébé avec l'eau du bain".
Certes, les paradis fiscaux - dont nombre se trouvent en Europe (Gibraltar, Monaco, Andorre, Liechtenstein, Luxembourg...) - abritent des structures créées par les banques - essentiellement européennes - où elles ont évacuées les actifs "toxiques" pour ne pas les faire figurer dans leurs propres livres de comptes. Se posent la question de la liquidation de ces actifs dont, bien sûr, personne ne veut. Evidemment, me dira-t-on, si les paradis fiscaux n'existaient pas, les banques n'auraient pas pu les utiliser pour "tromper" les experts comptables, les contrôleurs financiers, les autorités de régulation... OK.
Certes, les paradis fiscaux sont utiles pour l'évasion fiscale - cf. le cas du Liechtenstein et de l'Allemagne -, les criminels en tout genre, le blanchiment d'argent...
Et la liste de griefs est longue.
Mais attention : je m'étonne qu'il ne soit question que des paradis fiscaux européens. Combien il est étonnant que les Bahamas ne soient jamais mentionnés, ni Hong-Kong d'ailleurs (pourtant enregistré en tant que "Offshore Financial Centers", FMI 2007). Curieux, donc : serait-ce encore les Européens - Union Européenne ou non, telle la Suisse - qui devraient supporter le poids des déboires américains ?
Un des intervenants dans l'émission de BFM pointait justement du doigt que le secret bancaire est un droit fondamental pour tout un chacun - à trois exceptions près -, et que la banque UBS, obéissant aux injonctions des autorités américaines, servait au final les intérêts du fisc outre-atlantique.
Nous n'en parlons que peu en France car les PME ne sont pas encore entrées dans l'imaginaire collectif comme des acteurs majeurs de l'économie mais les paradis fiscaux permettent à ces dernières de se financer rapidement et sans surcoût. Ceci est particulièrement vrai pour les start-up dont celles innovant dans le secteur du développement durable.
Car malgré tous les dipositifs publics nationaux et européens (PCRD, programmes OSEO...), les PME les considèrent comme peu pratiques, peu visibles, trop longs, et parfois trop peu importants. Mais le problème reste le poids administratifs des dossiers à monter.
Bon alors, supprimer ou non, les paradis fiscaux ? Et si le problème ne se situait pas autre part ? Je ne parle pas de l'aspect pénal ou criminel lié aux paradis fiscaux. Ce n'est pas l'objet de ce blog sur la crise.
A mon avis, je pense que le problème se situe au niveau des grandes entreprises et des banques (Lazard a son siège social dans un paradis fiscal). Car après tout, avoir recours à des centres financiers offshore n'est-il pas un signe de désengagement vis-à-vis de la société ? Serait-ce pour payer moins d'impôts ? Mais alors, où est le contrat entre l'entreprise et la société ? l'entreprise et l'Etat ? On l'oublie un peu trop souvent, mais l'impôt est aussi un signe du contrat social qui lie chaque sujet de droit - personnes physiques et morales - dans une communauté. Les entreprises et les individus profitant des paradis fiscaux renieraient-ils leur nationalité ?
Matthieu
5 commentaires:
L'aspect sélectif des dénonciations est effectivement intéressant y compris de la part d'un pays européen comme le Royaume Uni qui dispose par exemple d'une base importante pour ses activités de place financière sur l'île de Man.
A noter aussi que de nombreux grands groupes français ont des filiales off shore pour gérer la trésorerie mondiale du groupe. La limitation de la fiscalité sur les sommes transférées quotidiennement est un paramètre important du choix.
Les enjeux de ces sujets sont effectivement multiples.
Le ministre des finances britannique, Alistair Darling, s'en est violemment pris aux banques suisses le 22 février 2009 dans une interview à l'hebdomadaire The Observer. "Le secret qui permet aux gens d'abriter leur fortune sans payer d'impôts comme il se doit, on ne peut pas le tolérer. C'est injuste pour ceux qui n'ont pas d'autre choix que de payer. C'est l'une des choses que la Suisse doit régler. Si (la Suisse) veut faire partie de la communauté internationale, elle doit être ouverte".
"En l'état actuel des choses et sur la base de l'OCDE, la Suisse fait bien partie des paradis fiscaux." N SARKOZY le 01/03/09
Severini
"Avec pratiquement 1.500 filiales offshore, réparties sur près d'une trentaine de territoires, des Bermudes à la Suisse en passant par Malte et Panama et le Royaume-Uni, toutes les entreprises françaises du CAC 40 sont présentes dans les pays offrant des services financiers de type paradis fiscaux", indique une enquête du magazine Alternatives économiques.
"Le secteur financier se révèle être le plus engagé dans les paradis fiscaux", indique le journal, qui affirme que BNP Paribas, le Crédit Agricole et la Société Générale disposent de 361 entités offshore.
"Si l'on y ajoute les Banques Populaires, Dexia et la Banque Postale (présente au Luxembourg), on atteint un total de 467 entreprises. Ce qui représente, en moyenne, 16% des entreprises de ces six groupes", poursuit le journal, qui s'appuie sur des documents fournis par les sites internet de ces entreprises.
"Les banques françaises s'installent dans les centres financiers offshore pour faire fructifier discrètement et au moindre coût fiscal le patrimoine des personnes aisées, gérer les salaires des cadres à haut revenu en dehors du regard du fisc, accompagner les stratégies internationales des multinationales qui pratiquent +l'optimisation fiscale+".
Selon "Alter Eco", BNP Paribas a 189 filiales dans les centres offshore, dont 27 au Luxembourg et 21 aux îles Caïman.
Un établissement mutualiste, Banque Populaire, possède 24 filiales au Luxembourg, 16 en Suisse et deux au Panama, "dont la réputation est plus que sulfureuse", assure le magazine.
Hors du secteur bancaire, LVMH (140 filiales), Schneider (131), PPR, France Télécom, Danone, Pernod et Capgemini sont particulièrement implantés dans les centres offshore, selon le journal
JP
Merci pour ces commentaires qui apportent des éclairages précieux sur le billet d'origine. Ceci rend d'autant plus nécessaire une réflexion approfondie sur la place des paradis fiscaux, et plus largement, sur la relation qu'entretiennent les entreprises entre fiscalité et raison d'être. Elles n'existent pas pour payer des impôts, mais les impôts permettent aux entreprises de se créer, et d'entretenir un environnement compétitif qui permettent à la France d'être la seconde destination en investissements étrangers en 2008.
Matthieu
Après "la France tu l'aime ou tu la quitte", nous aurons bientôt: "la France paye ou casse toi !". J'ai déjà mon billet...
Enregistrer un commentaire